Le féminisme que nous pratiquons à Femigeeks se base sur la lutte contre le patriarcat, mais qu’est-ce, nous direz-vous ? Le patriarcat est un système, une organisation sociale et politique qui oppresse les femmes au profit des hommes. C’est aussi un système qui enferme les hommes dans certains comportements ou rôles pas cools à vivre. Le patriarcat, c’est donc nul pour tout le monde – mais quand même beaucoup plus pour les femmes. Ce système se fonde sur une idéologie, qui 1) classe les gens dans deux groupes, en fonction de leur sexe et 2) hiérarchise ces deux groupes, les tâches qu’elles et ils accomplissent, leurs qualités, leurs défauts. Bref, c’est un système qui sépare de manière stricte les hommes et les femmes, et leur donne une valeur différente : plus de pouvoir, de reconnaissance et de liberté aux hommes, et moins aux femmes.

On ne lutte donc pas contre des personnes à Femigeeks, mais contre un système… et ceux, celles, qui le défendent.

Quelques mécanismes du patriarcat

La naturalisation de la différence des sexes

La naturalisation est le processus qui fait passer quelque chose pour naturel, normal, inné, biologique, alors qu’il ne l’est pas. Par exemple, le fait que les femmes soient « douées » pour le ménage, pour la communication, pour faire à manger, … On peut bien imaginer qu’il n’y a pas un gène de l’aspirateur, pourtant le système patriarcal a rendu « naturel », « normal », que les femmes s’occupent des tâches ménagères et aiment ça. Idem pour les hommes : ils sont « naturellement » doués pour être PDG d’une entreprise, pour le foot (ou le regarder), griller de la bidoche en été… (on attend toujours la preuve du gène pour le barbeuk !)

La masculinité hégémonique

L’hégémonie c’est la position de domination totale. On nomme masculinité hégémonique le style de masculinité qui est reconnue comme « la plus puissante » dans un contexte donné, et qui ne domine pas seulement les femmes mais aussi les autres hommes. Souvent dans les médias et la pop culture, LA masculinité ça veut dire être fort, musclé, riche, blanc, hétéro, etc. Sauf que pas grand monde n’est tout ça à la fois… Résultat : les hommes doivent être en compétition avec les autres hommes, pour prouver qu’ils sont les plus puissants.

L’objectification des femmes

Les femmes sont des objets, à disposition des hommes, pour toutes sortes de tâches. On parle d’objectification des femmes en particulier, bien que les hommes aussi s’occupent de certaines tâches, car majoritairement et globalement, ce sont les femmes qui effectuent les tâches peu valorisées, pour les hommes (tous les hommes !). Par exemple : le travail domestique, prendre soin des personnes âgées et des enfants, organiser l’agenda, … Dès les années 70, les féministes montrent que c’est parce que les femmes s’occupent de toutes ces tâches que les hommes peuvent penser à leur carrière et se faire du blé (plus de blé qu’elles), être reconnus dans la société. Certaines femmes sont davantage « objets » que d’autres : les femmes pauvres, les femmes de couleur, les femmes migrantes, … Ce sont elles, en Suisse et dans l’Occident, qui effectuent les tâches mal payées, chiantes, dévalorisées, « indignes ».

La masculinité toxique

Le nom donné à un ensemble de comportements, de pensées, super machos, qu’on apprend aux hommes en leur faisant croire qu’il faut être comme ça pour être « un vrai mec ». Entre autres : pleurer c’est pour les femmes (et la cuisine, et le ménage !), il faut faire tout pour pas qu’on pense que tu es gay, la violence c’est nécessaire et cool, tu dois toujours être aux commandes, …

La sexualisation des femmes

L’objectification transforme les femmes en couteau suisse. La sexualisation les réduits à leurs organes sexuels : le principal intérêt des femmes est de satisfaire les envies et fantasmes des hommes. Là aussi, certaines femmes sont plus sexualisées que d’autres, et d’une manière particulière (pensez à ces super commentaires du type « tu dois être une tigresse », pour les femmes noires, ou « on m’a dit que vous étiez serrées » pour les femmes asiatiques). Dans un système qui hiérarchise, les besoins et les envies des femmes ne sont pas perçues comme aussi importantes que celles des hommes : ils violentent, agressent, violent, font taire, les femmes pour satisfaire leurs besoins et montrer leur puissance.

Le lien avec d’autres oppressions

Être pauvre ou riche, blanc·hes, noir·e, asiatique ou latinx, hétéro, gay, bi, jeune, vieille… ça se mélange au fait d’être un homme, une femme, être trans’, et ça se nourrit mutuellement. Être féministe, c’est aussi lutter contre les discriminations raciales et l’impérialisme, l’homophobie, le classisme, l’âgisme, la grossophobie… parce que toutes ces discriminations et toutes les souffrances qu’elles créent sont liées. Illustration – dans son dernier livre, Virginie Despentes écrit (et c’est Rebecca, une actrice de 50 ans qui le dit) :

« L’industrie du cinéma … disait : les filles c’est fait pour être désirées et forcées, les Noirs c’est pour faire le ménage et danser, les gros c’est fait pour rigoler, les révolutionnaires c’est fait pour être assassinés, les pauvres sont faits pour avoir faim et être plaints mais sauvés par un riche gentil, les aliens sont là pour être tués, etc. »

Quelques outils bien utiles

Le test de Bechdel

Alison Bechdel est une autrice de bande dessinée étatsunienne, notamment reconnue pour « Dykes to watch out for », une série de Bd produites entre 1983 et 2008, centré sur les vies de personnes LGBT (principalement des femmes lesbiennes) et la « culture lesbienne ». Dans un épisode de 1985 Bechdel présente la discussion suivante entre deux de ses héroïnes :

Pour résumer : le film/le JV /le livre … passe le test s’il y a au moins deux femmes, dont on connaît le nom, qui parlent ensemble d’autre chose que d’un homme. Ça peut paraître basique, mais selon le site crowdsourcé bechdeltest.com, environ la moitié des films ne passent pas le test. Le seigneur des anneaux version Bechdel, par exemple, ça donne ça – vous fatiguez pas à préparer le popcorn, c’est pas long..

Le test Tauriel

Existe-t-il un personnage féminin, qui est douée dans ce qu’elle fait ?

Ce test peut remplacer le test Bechdel s’il échoue, comme dans La désolation de Smaug avec le personnage de Tauriel (qui a été ajoutée par les réalisateurs, le livre le Hobbit ne contenant aucun personnage féminin).

Le test Furiosa

Est-ce que des hommes sont enragés parce qu’une adaptation/un sequel/… est « féministe », et exigent de le boycotter ?

Le test tire son nom de Mad Max : Fury Road qui se focalise sur Furiosa, un personnage féminin hyper badass – et qui a « déçu » beaucoup de fans de la série Mad Max, qui n’avait jusqu’alors jamais vu une femme de leur vie.

Le test Mako-Mori

Existe-t-il un personnage féminin dont l’histoire est développée, sans être un support à l’histoire d’un personnage masculin ?

Ce test peut remplacer le test Bechdel s’il échoue, comme dans Pacific Rim qui développe l’histoire de Mako-Mori.

Le test de la lampe sexy

Est-ce que le(s) personnage(s) féminin(s) peuvent être remplacée(s) par une lampe sexy, sans que ça ne change l’histoire ?

Si oui, c’est plutôt mauvais signe…

Quelques rôles féminins sexistes dans la pop culture

La demoiselle en détresse

Pensez Peach : le personnage féminin a pour seule utilité de devoir être secourue par un homme et pour seul rôle d’attendre son bien-aimé héro.

Le « Harem »

Un personnage masculin évolue au milieu d’une foule de femmes qui sont à sa disposition.

La demoiselle dans le frigo

Ici la demoiselle n’est pas à secourir : elle a été tuée (variante : son âme a été capturée) et venger sa mort est la motivation principale du héro. Le meurtre du personnage féminin est donc un outil pour faire avancer l’histoire du protagoniste masculin, elle de son côté est à nouveau un accessoire (avec la violence en bonus !)

Le syndrome de la schtroumpfette

Un personnage féminin existe au milieu d’une foule de mecs qui essaient de la séduire, sa personnalité est… d’avoir un vagin et d’être à conquérir.