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— rien à signaler —

Beyond space and time

Aujourd’hui nous vous proposons un petit retour dans le temps avec Beyond Good and Evil. Ce jeu d’action-aventure est sorti en 2003, puis a été réédité en version HD en 2011. Il a été développé et publié par Ubisoft, sous la houlette de Michel Ancel, l’illustre papa de Rayman.

L’aventure nous raconte les péripéties de Jade, une journaliste et photographe fauchée qui habite la planète Hyllis. En cette année 2435, la planète est en proie à de nombreux soucis, et notamment à une invasion des DomZ, une race alien pas des plus sympas. Mais n’ayez crainte, citoyennes, les sections Alpha vous protègent.

Jade, donc, est tout à son yoga matinal en compagnie des orphelins qu’elle héberge, aidée de son meilleur ami le cochon anthropomorphe Pey’j, lorsque les DomZ attaquent le phare où elle habite. S’ensuit un combat rondement mené à coup de bâton, le jodo étant vraisemblablement dans le cursus journalisme sur Hillys. L’invasion est repoussée non sans mal. D’une part, Jade découvre que son compte en banque est vraiment dans le rouge foncé et, en plus, il semblerait que l’un des aliens ait fait quelque chose à son esprit. Sur ce, les forces Alpha arrivent en grande pompe pour s’attribuer le mérite d’avoir protégé tout le monde. En quête de liquidités et soupçonnant quelques complots, tel un futur prix Pulitzer intergalactique, Jade se lance dans une investigation qui va changer sa vie.

Nom Dediou, tu vas nous romancer tout le jeu ?

Alors, non… et je fais ce que je veux déjà.

Sur cette exposition tonitruante, le jeu nous propose, en une dizaine d’heures, une plongée haute en couleurs dans le monde d’Hyllis. Mélange bigarré de cultures, aux inspirations orientales et asiatiques, l’univers est un vrai ravissement. Il est cohérent, imaginatif et souvent drôle. On reconnaît tout à fait la patte de Michel Ancel et on comprend à quel point le jeu est avant tout une œuvre artistique avant d’être un jeu vidéo. C’est simple, à l’époque, rares étaient les jeux à proposer autant d’originalité visuelle et esthétique.

À l’image de son monde, le jeu est un pot-pourri de pleins de genres vidéoludique, alternant par exemple entre séquences de combat, d’infiltration, de plateforme ou de jeu de course. Les séquences ne donnent jamais un sentiment de remplissage et offrent toute une cohérence dans la narration. On peut simplement regretter qu’aucun des différents gameplay ne pousse vraiment son propre concept très loin. Beyond Good and Evil fait de tout et le fait de façon satisfaisante, mais sans révolution.

Ce n’est, après tout, pas son ambition. Là où le jeu se démarque, c’est dans son univers, son parti pris artistique, comme je le disais plus haut, et dans son histoire et ses personnages. La galerie de protagonistes est haute en couleur, à commencer par Jade. Celle-ci est une jeune femme débrouillarde, intelligente et spirituelle. On peut dire qu’en 2003, ce genre d’héroïne était rare et plutôt précurseur d’avancées qu’on a vu arriver que très récemment. A une époque où proposer une héroïne était considéré comme un signe d’échec commercial, c’était osé. Surtout quand ladite héroïne n’est ni sexualisée, ni gourde. Les temps étant ce qu’ils étaient, le jeu n’a malheureusement pas eu un grand succès commercial malgré les excellentes critiques.

Pour en revenir aux personnages, Jade est secondée par le truculent Pey’j, l’homme cochon bourru et très attachant. Une sorte de père de substitution. Suivant cette ligne directrice, toutes les rencontres de notre héroïne donnent lieu à des dialogues savoureux et une galerie peuplée de protagonistes humains ou zoomorphes tous plus surprenants et drôles les uns que les autres.

Multiculturel et varié, Beyond Good and Evil l’est aussi dans les thèmes abordés par son histoire. Les sujets sont matures, traitent autant des dérives d’États totalitaires que de la guerre, de la propagande et de la recherche de vérité. Portant à merveille son titre, c’est un jeu engagé politiquement qui s’inscrit pleinement dans le climat post 11 septembre.

Au travers de Jade, c’est aussi toutes les questions de la nature des liens familiaux (cette dernière étant orpheline) et de la construction d’une jeune femme qui sont évoqués.

Retour sur Terre

En conclusion, Beyond Good and Evil n’est de loin pas parfait. Son gameplay hybride, un peu touche à tout, n’est pas mémorable, surtout servi par une caméra souvent capricieuse, voire laborieuse. Terminé en moins de 10 heures, il risque aussi de vous laisser sur votre faim.

Néanmoins, l’œuvre de Michel Ancel possède une force rare : celle de marquer les esprits en aussi peu d’heures de jeu. Considéré depuis comme le Zelda « à la française », le titre a marqué une génération de joueuses. Précurseur dans bien des domaines, intelligent et créatif, Beyond Good and Evil s’inscrit, à l’instar d’un Journey, comme une véritable œuvre d’art, la création honnête et sincère d’un artiste.

Malgré le poids des ans, les graphismes cartoon et l’excellente bande son savent toujours séduire. Alors pourquoi ne pas tenter un petit voyage sur Hyllis. En attendant un deuxième opus, espéré depuis maintenant 18 ans et vraisemblablement en développement.

Données techniques

  • Développeur: Ubisoft
  • Editeur: Ubisoft Montpellier
  • Date de sortie: 2003 pour la version d’origine, 2011 pour la version HD
  • Platforme: PC (Windows), Xbox, GameCube, PlayStation 2, PlayStation 3, Xbox 360
  • Disponibilité : de nos jours principalement sur PC (Steam et GOG)

Les points forts

  • Une direction artistique inspirée
  • Une galerie de personnage mémorable
  • Un univers attachant et original

Les points faibles

  • Un gameplay à la croisée de nombreux genres, mais pas abouti
  • Le jeu accuse son âge
  • La caméra est souvent pénible
  • Une durée de vie très modeste