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— rien à signaler —

L’origine du monde, Les sentiments du prince Charles, La rose la plus rouge s’épanouit 

Marx, Sting, Picasso et Einstein sont dans un bateau…

Personne ne tombe à l’eau, si ce n’est les femmes qui dévouent leur vie au succès de ces messieurs, et barbotent dans l’anonymat de l’Histoire. Au travers de ces trois BD de l’auteure suédoise Liv Strömquist (traductions françaises sorties en 2016 et 2019, éditions Rackham), c’est aussi bien les rapports amoureux, sexuels, artistiques, intellectuels, financiers, historiques ou religieux entre femmes et hommes qui sont abordés. Avec beaucoup d’humour en plus, ce qui n’était pas gagné pour des sujets comme les violences sexistes, les inégalités parentales, la passion dévorante de l’amour non réciproque, le capitalisme, ou encore Beyoncé.

Strömquist utilise un style narratif qui a fait ses preuves : de courtes histoires, se focalisant sur un personnage souvent réel (Léonardo Di Caprio, Nancy Reagan, Whitney Huston, les héroïnes de Sex and the City, …), disséqué à l’aide d’études scientifiques et d’une bonne dose d’humour noir. Prenons l’exemple du Docteur Kellogg, qui en plus d’être nutritionniste avait des idées plutôt arrêtées sur la masturbation. Ni une ni deux, il invente les fameuses céréales (oui, oui, c’est bien lui !) et prescrit aux femmes de verser de l’acide sur leur clitoris, histoire de faire passer l’envie.

Le sexe, le couple, l’amour

Dans L’origine du monde, la bédéaste s’attaque au sexe : les scientifiques en prennent pour leur grade, et on en apprend beaucoup sur les hommes qui se sont « intéressés d’un peu trop près au sexe des femmes ». Elle passe en revue les problématiques autour de la représentation du clitoris, les différentes théories barrées (voire cataclysmiques; coucou Dr Kellogg), développées pour contrôler la sexualité féminine, ou pour la comprendre – sur ce point, gros fail. Finalement les tabous, complexes et injonctions pesant sur les femmes sont traités : les règles, l’inatteignable orgasme féminin (un mythe, nous dit-on à l’oreillette), les complexes sur le look de notre appareil génital, le sentiment de frustration, ou encore les adolescentes qui se sentent « perdues » au milieu de toutes ces obligations contradictoires.

Dans Les sentiments du prince Charles et La rose la plus rouge s’épanouit on parle de couple et d’amour. Si vous cherchez une comédie romantique : passez votre chemin ! Avec un regard caustique qui, on vous le cache pas, pousse à la désillusion romantique, Strömquist se pose plein de questions. Pourquoi Léo Dicaprio n’arrive pas à tomber amoureux des top model avec qui il sort ? Pourquoi les hommes pensent-ils que le mariage équivaut à un game over ? (spoiler : c’est les femmes qui se font avoir !) Pourquoi Beyoncé chante-t-elle que les hommes sont « remplaçables » ? Peut-on mourir d’amour ? Le polyamour, pourquoi ? Est-ce que les femmes ont toujours fait chier les hommes pour s’engager ? (spoil: non.)

Le constat n’est pas très réjouissant, et on voit à quel point les femmes et les hommes sont éduqué⋅e⋅s à attendre des choses différentes du couple, du sentiment amoureux, de la famille; et au final osons le dire (!) de la vie. 

C’est pas la vie en rose

Le style du dessin est simple et caricatural, voire pas très beau (on vous laissera cela dit juger de ça) : en noir et blanc, avec un train affirmé et sans grande fioriture, la recherche esthétique n’est pour sûr pas l’objectif de Liv Strömquist. La représentation des personnages est intéressante car malgré l’absence de réalisme, beaucoup de corps différents, hors des canons, sont montrés. Les femmes n’ont pas toutes de tailles fines et des longs cheveux soyeux, elles ne sont pas toutes blanches, elles sont dans des poses pas toujours élégantes. Les images sont un support au propos textuel, et la critique des injonctions faites au corps des femmes est absolument matérialisée dans le dessin – ce qui n’est souvent pas le cas même dans les BDs féministes. 

Un outil pour les femmes et les hommes

Si ces BD ont fait beaucoup parler d’elles, c’est selon nous parce  qu’elles sont un outil vraiment précieux – et drôle – pour tout le monde. Les personnes ayant grandi sans vagin apprendront beaucoup sur la complexité d’en avoir un, et les personnes concernées se sentiront « comprises » par Liv, notre bonne copine qui a des conseils bienveillants à donner. Malgré la tristesse ou la colère qu’on peut ressentir à la lecture de certaines anecdotes ou histoires de vie, ces BDs créent tout de même un sentiment de liberté et permettent d’envisager autrement les rapports entre individus. Après avoir offert Les sentiments du prince Charles à plusieurs couples (ça fait un super cadeau de mariage, il faut me croire !), je peux attester de première main que sa lecture ouvre des discussions passionnantes sur le quotidien, les sentiments, les projets de famille, l’Amour…. Une petite révolution de l’intime vous attend avec ces BDs, et ça fait du bien. 

Données techniques

  • Autrice: Liv Strömquist
  • Editions: Rackham
  • Dates de publication: 2016, 2016, 2019 

Les points forts

  • Très pédagogique pour les femmes comme pour les hommes, sur des sujets légers ou importants
  • Si on aime l’humour anti-machos, on est servi.es!

    Les points faibles

    • L’esthétisme ne sera pas au goût de tout le monde
    • Certains chapitres sont plus théoriques que d’autres et du coup moins accessibles