TRIGGER WARNING

— Harcèlement sexuel au travail —

Un air de déjà vu

Moi aussi, petite série de la mangaka Reiko Momochi se termine en deux tomes et est éditée chez Akata depuis 2020 (saluons d’ailleurs le fait que la maison d’édition propose de plus en plus de titres féministes et sur des problématiques de société). Plutôt actuel donc, autant en termes de temporalité que pour le sujet qu’elle prend le temps de poser et développer, à savoir le harcèlement au travail.

Ce dernier, douloureusement répandu, peut prendre des formes et intensités fort diverses, mais avec le point toujours commun d’instaurer un intense sentiment de peur, pouvant aller jusqu’à créer des symptômes post-traumatique pour les personnes le subissant.

La jeune Satsuki Yamaguchi, employée modèle et investie, travaille en intérim en tant qu’opératrice téléphonique. Une cible idéale pour un de ses supérieurs hiérarchiques, qui la prend pour cible. Ce dernier lui imposera un comportement de plus en plus ambigu et intrusif, auquel la jeune femme manifestera rapidement un fort malaise.

Le travail, valeur sacrée pour le Japon, invisibilise d’autant plus les dénonciations de harcèlement en entreprise, quand bien même ces derniers sont bien souvent un secret de polichinelle au sein des équipes. On verra alors Satsuki vivre une véritable descente aux enfers, entre silence et absence de soutien de la part de ses collègues et supérieurs et minimisation de la situation (quand on lui prête enfin une oreille un tant soit peu attentive). Comment penser que son supérieur direct, si charismatique et agréable, puisse se rendre coupable de pareils actes ?! La loi du silence prévaut, quand bien même toutes et tous voient l’état de notre héroïne rapidement se dégrader.

Tomber pour mieux se relever

L’effet de sidération, amenant à une absence de réaction pouvant être perçue comme absurde de la part d’un spectateur extérieur, est également très bien retranscrit. On entre véritablement dans le quotidien anxiogène d’une victime de tels actes, jusqu’à parfois se sentir profondément mal à l’aise au cours de la lecture. Véritable épave, Satsuki va heureusement croiser sur sa route à un moment donné une association qui l’aidera à se relever, en commençant par reconnaître la véracité de ses propos.

Je n’en dévoile pas plus, si ce n’est qu’aujourd’hui, harcèlement au travail et abus de pouvoir sont enfin reconnus au Japon comme des problématiques réelles et à combattre tout autant qu’à condamner. Moi aussi a certes le défaut de présenter un trait de crayon passablement banal, de même qu’une héroïne dans le même ton. Rien de notable du côté du scénario en lui-même non plus, tout l’intérêt de ce titre réside dans le courage d’oser créer un titre sur un sujet aussi tabou au pays du Soleil levant. A noter que la narration s’appuie sur une histoire vraie, cette dernière ayant « l’avantage » malheureusement de pouvoir se transposer aussi bien à la société nippone qu’à celles occidentales.

Données techniques

  • Autrice: Reiko Momochi
  • Editeur: Akata
  • Date de publication: 2020
  • Nombre de volumes: 2

Les points forts

  • Le monde du manga thématise (enfin!) le sexisme et autres relations d’abus au travail

  • L’auteur a fait un certain travail de recherche sur le sujet, et ça s’en ressent

    Les points faibles

    • La thématique et l’histoire auraient mérité largement un tome supplémentaire 
    • Trait de crayon et décors passablement simplistes (même si pas l’intérêt premier ici)
    • On peine tout de même à s’attacher à l’héroïne (difficile en deux tomes)