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— rien à signaler —
Revenir sur le sordide… au travers de la sororité
Radium girls, c’est tout d’abord l’aventure de six jeunes femmes pendant les années folles, croquées et mises en couleur sous la plume de Cy, graphiste, illustratrice et auteure de BD française. L’ouvrage, sorti à l’été 2020, et publié sous nos latitudes par Glénat, fait la part belle à l’ambiance toute particulière de cette époque dans le New Jersey, au travers d’une palette de couleurs volontairement restreinte.
Nuances de violets ; du foncé à la couleur prune, passant par quelques touches de saumon… côtoyant un vert néon maladif. Vous l’aurez compris à ce stade ; je ne vous propose pas le menu saisonnier du troquet local, mais un sujet bien plus lourd, qui est la problématique des femmes empoisonnées au radium par l’industrie florissante de ce dernier dans les années 20’, aux Etats-Unis.
A peine 30 ans après la découverte du radium par Marie et Pierre Curie, le marché fait son beurre en proposant divers produits radioactifs, de la crème de beauté aux prétendues vertus anti-rides à la peinture dans le secteur horloger. Ce dernier embauche massivement des femmes pour peindre au radium aiguilles et cadrans, et ce sans leur fournir de protections adéquates. Inutile de préciser que ce n’est pas le cas des cadres, qui eux, de sexe masculin, disposent de toute la panoplie nécessaire pour manipuler la dangereuse substance…
« Lip, dip, pain(t) »
Trois petits mots mnémotechniques destinés à rythmer le travail quotidien ; Edna, la nouvelle recrue de l’usine locale, ne tarde pas à se faire mettre au parfum et intégrer le cercle des « Radium Girls », composé des autres : Katherine, Mollie, Albina, Quinta… La bonne humeur et les sorties entre amies aident à composer avec un quotidien monotone, abrutissant, rapidement entrecoupé dans le récit par divers indices laissant envisager le pire.
Derrière l’invention géniale de l’Undark, la peinture au radium, plane l’ombre de la mort. On voit ainsi, au travers du quotidien d’abord pétillant de ce groupe d’amies, l’avancée progressive de maux irréversibles. D’abord douleurs, anémie, puis pertes de dents, tumeurs… l’horreur devient réelle bien trop tard, jetant un voile aux couleurs froides sur le quotidien des Radium Girls. Ces coloris, parfaitement maîtrisés, font partie intégrante du récit ; un coup de crayon parfois volontairement minimaliste venant atténuer quelque peu la dureté du destin qui pèse sur les protagonistes.
Si quelques voix s’élèvent, l’entreprise fera tout pour étouffer les premières mort(e)s au radium. Entre procès sans cesse rallongés (le temps étant douloureusement compté parmi les survivantes) et déni de diagnostic, l’ouvrage décrit la lente descente aux enfers de femmes sacrifiées sur l’autel du progrès.
Le mot de la fin
Radium Girl, je l’ai dévoré d’une traite, sans temps mort. On peut difficilement, à mon sens, et peu importe le genre de la lecteur-ice, ressortir le nez d’un tel ouvrage sans en retirer quelque chose. Le style graphique, bien qu’il ne puisse pas plaire à toutes et à tous, participe pleinement à faire ressentir toute une palette émotionnelle ; on en ressort avec une réelle empathie et un sincère sentiment de révolte pour ces femmes qui ont réellement existé et souffert.
A mettre entre toutes les mains (quitte à devoir passer par quelques explications pour les plus jeunes). Radium Girl, au travers de ses figures féminines fortes, courageuses, mais se battant dans un combat perdu d’avance, donne à voir la pleine mesure des violences sociales passées faites aux femmes, et encore d’actualité de nos jours, notamment dans l’industrie.
Données techniques
- Autrice: Cy (Cyrielle Evrard)
- Editeur: Glénat
- Dates de publication: Aout 2020
Les points forts
- Une BD traitant d’un sujet historique, donc inspirée de faits réels
- Solidarité et sororité féminine, tout au long de l’ouvrage
- Un choix de patte artistique (coloris) servant audacieusement le scénario!
- L’humour, qui vient agréablement contrebalancer un sujet grave et sérieux
- Belle qualité de l’ouvrage aux éditions Glénat
Les points faibles
- Le trait de crayon/coloris, qui ne peuvent pas plaire à tout le monde
Fémiscore : 4/5
✅ Protagoniste féminin
✅ Personnages secondaires féminins complets, intéressants et sans tokenisme
✅Sujet féministe
✅ Autrice ou équipe majoritairement féminine ou équipe décisionnelle majoritairement féminine
❌ Personnage issus de minorités (LGBT+, de couleurs, avec handicap,…) complets, intéressants et sans tokenisme